Une chambre à l'hôtel Mékong by Coatalem Jean-Luc & Jean-Luc Coatalem

Une chambre à l'hôtel Mékong by Coatalem Jean-Luc & Jean-Luc Coatalem

Auteur:Coatalem, Jean-Luc & Jean-Luc Coatalem [Coatalem, Jean-Luc & Jean-Luc Coatalem]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Littérature Française
Éditeur: Stock
Publié: 2023-10-10T23:00:00+00:00


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Qui est donc mon « taulier » ? Le portrait d’Émile Guimet (1836-1918), qui orne l’entrée de la bibliothèque, m’en dira-t-il un peu plus ?

Ce richissime homme d’affaires a été l’un des collectionneurs les plus avisés de son époque. Son idée philanthropique : la création d’un lieu muséal pour « tous les dieux de l’Inde, de la Chine, du Japon, de l’Égypte, de la Grèce et de l’Empire romain ». Pas moins ! Une entreprise encyclopédique autant qu’utopique qu’il finira envers et contre tout par concrétiser à Lyon (1879), sur les plans de l’architecte Jules Chatron. Mais ne rencontrant pas le succès, ni auprès du public ni auprès des savants, il le transféra dix ans plus tard à Paris, presque à l’identique, dans l’édifice majeur où je suis, offrant à l’État une partie des collections en échange de son aide et d’un soutien financier pour continuer à faire vivre au long terme l’institution.

Sur une inspiration Grèce antique, entrée monumentale, plan triangulaire, tour-rotonde, cour-jardin, étages déployant des galeries en compas, ce second établissement finira par susciter l’intérêt, finalement rattaché, en 1927, aux Musées de France en tant qu’« institution nationale ». Grâce à de nombreux legs, il constituera ainsi la plus grande collection d’art asiatique hors d’Asie. Et il est toujours là, place d’Iéna, avec, à son faîte, la symbolique pomme de pin en plomb, allusion à l’arbre de Cybèle, « gardienne des savoirs », mère des dieux…

Sur la toile de 1898, signée par Ferdinand Luigini, j’observe ce solide et sympathique monsieur de soixante-deux ans, barbe en pointe, costume queue-de-pie, nœud papillon et rosette de la Légion d’honneur comme une gouttelette de sang au revers du col. De trois quarts, l’air appliqué, il se concentre sur une statuette, sans doute japonaise, sur un arrière-fond de vitrines bourrées d’objets, de vases et de figurines. Un de ses contemporains le décrira : « Trapu, brun, avec des yeux vifs, une allure simple et décidée, le verbe chaleureux et précis. » On dit qu’il a autant de ténacité que d’enthousiasme. La conviction d’un mécène.

Grand bourgeois, il se révèle cultivé, féru de poésie, d’art et d’opéra, et compose à ses heures perdues. Il a hérité des usines de son père, un polytechnicien visionnaire, inventeur d’un pigment de synthèse (1826), le « bleu Guimet », utilisé dans l’industrie chimique, qui a rempli ses comptes en banque. Saint-simonien convaincu des bienfaits du progrès, ce dernier avait aussi misé sur un métal expérimental : l’aluminium. Bingo ! La firme sera à l’origine du groupe Pechiney.

Toutefois il s’avère que, pour le fils, Émile, la charge d’une entreprise d’avant-garde n’ait pas été dans ses priorités. Il en laissera les commandes à son adjoint, Louis Amant. Lui préfère les voyages, les livres et les civilisations antiques. Il a la collectionnite aiguë, des moyens en conséquence, une âme prosélyte. « Je veux voir et je veux que tout le monde voie ! » résumera-t-il.

Dans les archives et sur le site de Gallica, j’ai trouvé des images amusantes de lui, comme ce tirage



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